Les choix des libraires
        - Dans la catégorie : littérature

Le Wok Machine à Lire guide vos lectures

Les choix des libraires


Sukkwan Island, David Vann

« Sukkwan Island », David Vann



Éditions Gallmeister

21,70 Euros

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Un père souhaite faire table rase du passé, rêve d’un nouveau départ. Tout quitter et partir vivre un an de réclusion sur une île d’Alaska. Son fils de 13 ans refuse dans un premier temps de s’y soustraire mais accepte finalement le sacrifice de sa vie au nom de la faiblesse du père. Pendant des mois, il n’y aura que leurs individualités cruellement contraintes à une intimité malsaine et destructrice qui mènera à l’irréversible.
Un roman qui s’inscrit dans la pure tradition littéraire américaine faisant revivre les mythes de la Grande Prairie et de la Reconstruction qui lui sont chers. Une histoire de pionniers du XXIème siècle ayant l’honnêteté de montrer l’inaptitude de l’Homme moderne à retourner à la Nature sauvage. La folie est propice à s’y développer par le repli sur soi imposé à l’individu et l’abolition des règles sociales. Le rapport aux êtres aux matières vivantes sont d’une trop violente clarté, dépouillés du confort qui fait habituellement écran dans nos sociétés civilisées. La perte des repères et de la notion de responsabilité individuelle est alors aisée et est brillamment exposée dans ce roman de David Vann.
Notez que ce roman est disponible en « vo » sous le titre: « Legend of Suicid » à La Machine à Lire.


Sylvia, Léonard Michaels

« Sylvia », Léonard Michaels

Christian Bourgois Editeur
17 Euros

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À partir de ses journaux intimes Léonard, jeune apprenti écrivain nous raconte la difficulté d’aimer Sylvia,jeune femme passionnée mais émotionnellement perturbée. Il l’épouse très jeune et vit malgré lui le chaos d’une vie au quotidien avec une maniaco-dépressive. Nous sommes pourtant à New York dans les années 60, la vie culturelle est riche et le futur prometteur mais les rêves de Léonard s’effritent jour après jour face à la violence de la maladie. Alors que faire: subir ou se sauver? Retravaillés 30 ans plus tard, ces journaux se transforment en court roman, où la distance de l’écrivain se mêle parfaitement aux sentiments bruts du jeune de l’époque.
À noter la sortie simultanée du recueil de nouvelles « Conteurs, menteurs » aux éditions Bourgois de cet auteur méconnu, à tort et décédé en 2003.


Romance nerveuse, Camille Laurens

« Romance nerveuse », Camille Laurens

Gallimard
16,90 Euros

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Laurence R vient d’être congédiée par son éditeur après une polémique qui l’oppose à une auteure hébergée dans la même maison qu’elle. Profondément blessée, incapable d’écrire une ligne, elle prend le large vers une destination touristique, pension complète comprise et y rencontre Luc. C’est l’amorce d’une histoire d’amour improbable entre un paparazzi et un écrivain. Lui est pour le moins instable, pathologiquement versatile, oscillant sans transition entre une goujaterie crasse, une sensibilité exacerbée et une fragilité qui la touchent.
« Romance nerveuse » nous emporte dans les circonvolutions mentales et humaines de cette histoire un brin sado-maso, réelle et écrite, tout à fait captivante.


Ru, Kim Thúy

« Ru », Kim Thúy

Éditions Liana Lévi

14 Euros

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Ru : petit ruisseau ou écoulement en français, mais aussi berceuse en vietnamien. Voilà les trois sens que prennent ce seul petit mot et que l’on retrouve dans cet émouvant récit.
L’auteur, Kim Thúy fuit avec sa famille les forces communistes qui envahissent Saïgon. Dès ce moment, elle va connaître la peur, les camps de réfugiés, la misère, jusqu’à son arrivée au Québec avec d’autres boat people vietnamiens.
C’est à travers les souvenirs de la fillette qu’elle a été, et de la femme qu’elle est à présent, que l’auteur se dévoile, toujours avec pudeur.
Un livre sur l’exil, emprunt de poésie et d’humanité.


Des corps en silence, V Goby

Des corps en silence, V Goby

Gallimard

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Valentine Goby poursuit son expérience, initiée avec « Qui touche à mon corps je le tue » de récits croisés. Elle met en scène dans « Des corps en silence » deux femmes qui vivent la fin d’un amour. Claire s’ennuie depuis longtemps avec Alex et a décidé de ne pas rentrer chez elle. Henriette Caillaux sent que son mari Joseph, député dans la tourmente ne l’aime plus. Claire erre dans un Paris brûlant au coeur de l’été tandis qu’Henriette déperrit. Ces femmes connaissent la souffrance d’un corps qui ne vibre plus, qui n’est plus stimulé par la présence de l’autre. Chez chacune le passé ressurgit pour tenter de comprendre où tout a dérapé. L’une fuit, l’autre ira jusqu’au meurtre. Une écriture entêtante pour un roman douloureux.


Sangsues, D Albahari

« Sangsues », D Albahari

Gallimard
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Sous ses airs de thriller et d’enquête journalistique, Albahari questionne la place de la peur et son instrumentalisation politique dans la société serbe sous Milosevic. Roman à tiroirs (filatures, complots, sociétés secrètes), « Sangsues » est un livre fort et passionnant dont on ressort plus intelligent.


Suites byzantines, Rosie Pinhas-Delpuech

« Suites byzantines », Rosie Pinhas-Delpuech

Bleu Autour

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Rosie Pinhas-Delpuech nous rappelle combien notre langue fait notre rapport au monde. Le judéo-espagnol, l’allemand langues « maternelles » et le turc imposé par Atatürk, le « père des Turcs », autant de sources de questionnements mais aussi de possibles pour dire et penser le monde du dedans et du dehors.
La narratrice nous fait goûter les sons, fait résonner les sens et dépeint au fil de ses nouvelles une vie en Turquie tantôt abrupte, tantôt sensuelle, nous ouvre les portes de son monde avec grâce.


Cristallisation secrète, Yoko Ogawa

« Cristallisation secrète », Yoko Ogawa

Actes Sud

ogawa.jpg L’histoire se passe sur une île. Tout paraît y être parfait, si ce n’est que des objets disparaissent régulièrement de la mémoire des hommes. Au début, ce sont les choses les moins importantes: un ruban ou un parfum… Mais les choses s’accélèrent. C’est au tour des oiseaux, des roses, des photographies, des calendriers…
Le jour de la disparition des livres, la narratrice, romancière doit renoncer à l’écriture. Mais voilà, certaines personnes ne perdent pas la mémoire et doivent se cacher d’une police secrète, chargée de faire respecter toutes les disparitions.
Il s’agit d’un magnifique roman sur l’écriture, sur la perte de liberté et l’effacement de la mémoire qui mènent à la mort des hommes. Mais c’est aussi une formidable critique des régimes totalitaires et de leurs méthodes, sublimée par un style épuré et poétique.


Un jardin dans les appalaches, B Kingsolver

« Un jardin dans les appalaches », B Kingsolver

Edition Rivages poche

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Quelle expérience passionnante! Barbar Kingsolver, romancière, a vécu avec son mari et ses deux filles dans une ferme des Appalaches en cultivant un jardin et en élevant une basse-court pour se nourrir. Ils ont respecté les rythmes des saisons pour s’alimenter et ne consommaient que des produits locaux. Ce livre retrace l’expérience mois après mois, les réussites comme les déceptions et de nombreuses recettes se glissent au fil des pages. La slow-food au pays du fast-food donne un espoir de changement…


Honecker 21, Jean-Yves CENDREY

« Honecker 21″, Jean-Yves CENDREY

Actes Sud

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Matthias Honecker est un homme comblé! Un poste de cadre dans une entreprise de téléphonie mobile florissante, un bijou d’appartement dans la très-tendance Berlin meublé des objets les plus design, une femme intellectuelle et Oh bonheur! un premier enfant en route. Que les jaloux ravalent leurs remarques perfides car la crise qui point dans l’esprit angoissé d’Honecker va leur rendre justice! Révolution existentielle et grand chambardement, notre homme se lance à corps perdu dans une course folle afin d’échapper à un insipide destin. La capitale allemande se fait alors le théâtre d’aventures toujours plus loufoques et absurdes pour notre plus grand plaisir.


Littérature

« Sainte Famille », J FORTON,

éditions Finitude,
17 euros
Sainte-famille.jpgBienvenue chez les Maliniers, famille bordelaise à la façade bien respectable. Jean Forton décortique
malignement l’intimité de ces personnages et nous fait pénétrer dans un monde bien moins noble qu’il ne voudrait l’être. Cela moque, cela pique, c’est bon et délectable. Merci aux éditions Finitude d’avoir publié ce roman, jusqu’ici inédit.


Littérature

« Insectes choisis, myriades d’oiseaux », UTAMARO

éditions Piquier,
39 euros

utamaro.jpgDans ce précieux coffret, vous trouverez, reproduites en fac-similé, les estampes originales de deux albums d’Utamaro, connu pour se représentations des courtisanes japonaises. A ce travail, d’un réalisme à faire pâlir les naturalistes, est associé un ensemble de poème burlesques, des ‘Kyoka’. Ainsi une cinquantaine de poètes rivalisent pour décrire leurs sentiments envers les courtisanes, en associant leur caractère à ceux des oiseaux et des insectes. Cette oeuvre de toute beauté est issue de la collection du couturier Jacques Doucet et accompagné d’un livret très complet sur ce travail. Mais avant tout, admirez la qualité de la gravure et appréciez ce mélange de peinture, de poésie et de calligraphie.