Les choix des libraires
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Le Wok Machine à Lire guide vos lectures

Les choix des libraires


Littérature

« Oeuvres complètes: romans, nouvelles, essais, correspondance » F.O’Connor, collections Quarto,

Gallimard
29,90 euros

oRomancière du Sud des Etats-Unis, Flannery O’Connor s’attache à décrire la vie des petites gens de l’Amérique rurale des années 40 et 50. La ségrégation raciale, la violence des campagnes, la pauvreté et le poids de la religion sont au coeur de son écriture. Elle-même fervente catholique dans un sud majoritairement protestant (la plupart de ses essais ont pour thèmes la littérature et la religion), elle ne cesse de dénoncer les faux prêcheurs et les manipulations des esprits simples et naïfs. Elle partage avec Carson McCullers le goût des âmes blessées et les souffrances d’une longue maladie qui l’emporte à l’âge de 39 ans.
« Une observatrice de sa trempe ne pouvait laisser passer sans sourciller l’espèce de faune grand-guignolesque que le vieux sud drainait et draine encore aujourd’hui: tous ces pasteurs improvisés, ces illuminés itinérants (…) qui donnent de la foi et de la religion une image caricaturale ravageuse pour les gens simples, ignorants, incrédules. » Guy Goeffette dans sa préface ne peut mieux nous ouvrir les portes de l’univers de Flennry O’ Connor et nous inviter à découvrir cette consoeur de William Faulkner.


« Le miracle de San Gennaro », Sándor Márai

« Le miracle de San Gennaro », Sándor Márai

Ed Albin Michel
20,90 euros
miracle.jpgEn 1948, alors que Sándor Márai fuit la Hongrie, il va passer plusieurs années dans les environs de Naples, avant d’émigrer pour les États-Unis.Ce long séjour va fortement l’influencer et donner le ton de ce roman.
Le thème principal est bien l’exil et le déracinement. Mais grâce à une galerie de portraits d’hommes et de femmes simples et démunis, l’auteur nous parle aussi de son amour pour Naples et ses habitants qui vivent au rythme de la religion et de la tradition.
En parallèle à ces portraits, on y découvre un couple d’étrangers. Nul ne sait d’où ils viennent. L’homme est retrouvé mort au pied d’une falaise. S’en suit une enquête qui va dégager un portrait complexe de ce réfugié dont l’exil douloureux lui aura été fatal.
Un roman d’une grande humanité, largement autobiographique.


« L’offense » Ricardo Menendez Salmon

« L’offense » de Ricardo Menendez Salmon

Ed Actes Sud
15 euros
offense.jpg1er septembre 1939, Kurt Crüwell est appelé sous les drapeaux allemands. Jeune soldat naïf, il assiste au martyre d’un village français et perd aussitôt toute sensibilité. Devenu inutile pour l’armée, il est alors placé dans un sanatorium où il tente de survivre en étant devenu « une créature purement mentale ». Court roman vif et incisif, l’offense, contenue dans une larme, trouve sa fin tragique lors d’un cauchemar halluciné digne d’un film de David Lynch. Beau et entêtant.


« Je ne t’ai pas vu hier

« Je ne t’ai pas vu hier dans Babylone »

Antonio Lobo Autunes
Ed Bourgois
28 euros
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« Il doit être minuit parce que les bruits, ceux du jardin, ceux de la maison et ceux de ma femme qui a fait partir les chiens en les fouettant légèrement avec une branche – fichez moi le camp
Elle a attaché la chienne en chaleur dans le garage et je parie qu’elle s’est couchée parce que pas de lumière dans le couloir ni dans la chambre dans laquelle je ne pénètre plus depuis des siècles (…) »
Des voix dans une nuit portugaise se font écho jusqu’au petit matin. Des bribes de vies qui s’échappent de corps lourds du passé comme des fantômes flottants autour de lits vides. De minuit à six heures du matin, des chants de douleur, de frustrations et de désirs qui se glissent hors du livre et s’impriment en nous. Une écriture magnifique et un bonheur de lecture comme rarement il est offert l’occasion d’en lire. Un mausolée, un monument, hanté.


« Rencontres avec l’archidruide », John Mac Phee

« Rencontres avec l’archidruide », John Mac Phee

Ed Gallsmeister
22,90 euros
rencontresarchidruide.jpgL’auteur, pionnier du Nouveau Journalisme, prix Pulitzer en 1999, rend compte à travers trois récits, de la personnalité de l’archidruide David Brower. Inconnu chez nous, il fut un défenseur des grands espaces américains. Chaque texte « une montagne », « une île », « une rivière » est une description superbe du lieu en question, mais aussi un dialogue entre l’Archidruide et un opposant à son point de vue. La confrontation entre ses personnalités remarquables, chacun s’exprimant avec intégrité est subtile et brillante. Publié en 1971, ce texte de Nature Writing est une nouvelle découverte de l’excellente maison Gallsmeister.


« Comme un fracas, une chronique » Jacques-Henri Michot

« Comme un fracas, une chronique » de Jacques-Henri Michot

éd Al Dante
Comme-un-fracas-183x300.jpgUne chronique donc, tenue chaque jour ou presque entre avril et octobre 2008 puis sporadiquement jusqu’au 29 avril 2009. Un fracas également, celui du monde, celui d’une année, celui de l’Histoire. Puisqu’il est ici beaucoup question d’Histoire, celle de la Commune de Paris et de sa répression sanglante, celle de la révolution Spartakiste et de sa répression sanglante, celle de nombreuses autres révolutions et de leurs systématiques et impitoyables répressions sanglantes. Les dates sont bien souvent, pour Michot, l’occasion de se remémorer et de nous rappeler certains événements, soulignant au passage le fossé entre la mémoire officielle et la mémoire du peuple. Ainsi, le 17 octobre alors qu’une encyclopédie choisit dans son éphéméride le 17 octobre 1968 et la victoire de Colette Besson aux Jeux Olympiques, Michot préfère se souvenir du 17 octobre 1961 « une des pages les plus noires et les plus longtemps cachées de l’histoire de notre pays ».
Michot revient également souvent sur le triste déroulement de cette année. Il nous parle alors de l’enfermement de Marina Petrella et de l’acharnement sur les militants des années 70, en Italie comme en France, il réagit à « l’opération » de l’armée israélienne dans la bande Gaza, dénommée « Plomb durci » et à propos de laquelle il note ceci, le 28 décembre: « j’ai entendu aux informations télévisées cette phrase / chacun enterre ses morts/ quatre mots pour construire une bien étrange symétrie une équivalence des plus douteuse puisqu’il y a eu 320 morts d’un côté et un de l’autre [...] une fois de plus une fois de plus dans ma tête c’est irréel c’est irréel ».
Ce qui nous frappe dans cet ouvrage c’est bien sûr le reflet de cette noirceur du monde et de son Histoire mais c’est également la grande érudition de Michot. Qu’il dérive dans le détail d’une sonate qu’il a écouté le matin même, qu’il nous parle de Coltrane ou de Mozart, ou qu’il cite, comme il le fait souvent des phrases de Michaux, Kafka ou Walser, il attise sans cesse notre curiosité et nous pousse à ne jamais s’arrêter de lire et d’écouter de nouvelles oeuvres.
Ce texte nous permet de ne jamais oublier les horreurs du monde, qui nous rappelle l’émotion que peut susciter l’art, la littérature ou la musique et à la fin duquel nous devons faire face à cette triste réalité qui veut que jamais nous n’aurons le temps de lire et d’écouter toutes les oeuvres qui en valent la peine.


« Le club des incorrigibles optimistes » Jean-Michel Guenassia

« Le club des incorrigibles optimistes » Jean-Michel GUENASSIA

Editions Albin Michel

incorrigibles.jpgN’hésitez pas à entrer dans ce roman de 750 pages. Très rapidement vous serez sous le charme de cette chronique des années 60, de son atmosphère et de ses personnages.
Lors des obsèques de Sartre, Michel se rappelle l’arrière-salle du Balto où se réunissaient un groupe d’hommes ayant fuit le bloc de l’Est. Ils se retrouvent pour jouer aux échecs, ainsi que Sartre et Kessel qui les aident discrètement. Tous ont laissé de l’autre côté une famille, un métier, une passion. Au club deux règles : on parle français et on n’évoque pas le passé. Pourtant, leurs destins sont formidables et nous font partager un morceau de l’histoire du XXème siècle. On ne les quitte qu’à regret, avec la tentation de replonger de suite dans la scène d’ouverture !


« Lock the lock » T TRANTINO

« Lock the lock » Tommy TRANTINO

13e notes éditions

lock.jpegSous influence de la Beat Generation (Kerouac, Burroughs, Ginsberg), Trantino nous présente ses carnets de prison. Récits de son passé tumultueux, poèmes, dessins, fantasmes et délires, ce condamné à mort (gracié et libéré en 2001) se livre sans tabou… ni remords. « Lock the lock », plus qu’un objet littéraire singulier est une célébration de l’envie depuis le couloir de la mort.


« Dans les ombres sylvestres », Jérôme Lafargue

« Dans les ombres sylvestres », Jérôme LAFARGUE

Ed. Quidam

lafargue.jpgLa satisfaction d’avoir déniché la perle rare, le plaisir de rencontrer un texte, l’engouement pour un auteur, l’envie de faire du prosélytisme à tout crin c’est surtout ça qui nous fait lever le rideau de nos librairies tous les matins.

Le responsable de cet enthousiasme est Jérôme Lafargue, qui a écrit « Dans les ombres sylvestres » chez Quidam. Il y est question de forêt qui respire, de la puissance de l’océan, de la complexité de la nature humaine, de révolution, de pouvoir du verbe. Envoûtant, déroutant, facétieux, bigrement malin et jubilatoire, voilà les qualificatifs qui me viennent à l’esprit.

Enfin, les lecteurs de ce roman comprendront que ce conseil est un peu plus que l’acte de générosité d’une libraire qui souhaite partager son plaisir.


Grand Homme

« Grand Homme », Chloé HOOPER

éd. Bourgois

lafargue.jpg
Novembre 2007. Palm Island, au NE de l’Australie.
Tout commençe par une mort. Celle de Cameron Doomadgee, jeune aborigène, qui succombe aux coups portés par Chris Hurley, brigadier chef.
Cela aurait pû en rester là. Chloé Hooper va en décider autrement.
Pendant 2 ans, elle va partir à la rencontre de la famille de Cameron, suivre l’interminable procés, témoigner de ce qui ne se dit pas.
Il s’agit bien là d’un récit édifiant de la destruction du peuple aborigène et de sa culture (par la colonisation occidentale), mais encore plus du récit d’une injustice restée, en partie, impunie grâçe au témoignage de Chloé Hooper. Un livre dont on ne ressort pas indemne.


Cadence, S. Velut éditions Bourgois

Cadence, Stéphane VELUT

éditions Bourgois velut.jpg
En 1933, à Munich, à la demande du Führer, un peintre a accepté de réaliser le portrait d’un jeune modèle doté de tous les attributs aryens. Cadence est le journal de cet artiste. Ce dernier ne se contentera pas d’exécuter simplement le portrait de cette jeune fille. Il souhaite en faire une poupée qui ferme les yeux quand on la couche, une marionnette dont il pourra tirer les ficelles comme bon lui semble.
Le lecteur devient le témoin de ce lent processus de déshumanisation et de soumission dont la réalisation est menée avec la régularité d’un métronome pendant que le monde gronde à l’extérieur de l’atelier.

Cadence est un texte fascinant et glaçant, Stéphane Velut un auteur à suivre absolument.


Des Hommes

« Des hommes », Laurent MAUVIGNIER

Ed. de Minuit
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1960, c’est le départ vers l’Algérie de Bernard alias « Feu de bois », Rabut et Février, tous jeunes appelés.
A leur retour ils se replient sur leur silence et essaient de construire leur vie. Mais 40 ans aprés, Solange la soeur de Bernard fête son anniversaire et tout dérappe; le passé refait surface, les rancoeurs familiales et les souvenirs de guerre.
Une écriture accomplie et une justesse de ton pour évoquer un sujet délicat.